Intérêt et limites des approches en termes d’indicateurs de progrès sociétal

Séminaire PEKEA sur « Les indicateurs locaux de progrès sociétal » Rennes 17 novembre 2006
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Date de parution: 
Novembre 2006

 

Les indicateurs de progrès sociétal qui essaient de rendre compte des attentes des citoyens par rapport au développement économique au niveau d’un pays, d’une région, d’une collectivité territoriale bousculent les approches traditionnelles des économistes qui raisonnent généralement en termes d’analyses coûts/bénéfices, de valeur ajoutée, de PIB (somme des valeurs ajoutées des entreprises). Les indicateurs de progrès sociétal permettent de remettre au centre du débat les finalités du développement économiques telles qu’elles peuvent être perçues par les différentes catégories sociales. Ils permettent de resituer l’économique au sein du politique, ce qui constitue en soi un changement majeur pour la compréhension des sciences économiques. L’économique est totalement "enchassé" dans le sociétal et le politique et bien sûr dans un environnement géographique spécifique. La construction et l'utilisation d'indicateurs de progrès sociétal nous conduisent à considérer que le développement économique est le résultat d’un processus de conception, guidés par des finalités et des objectifs trop souvent peu explicités et qu’en conséquence les sciences économiques relèvent des sciences de la conception et non des sciences de la nature. Ce changement de paradigme des sciences économiques, permet d'affirmer que les solutions "possibles" (dans le domaine du développement), à un moment donné, sont infiniment plus nombreuses que les solutions "probables" qu'on peut essayer de prévoir à partir des situations existantes et passées.

 

Néanmoins il est important de souligner que les approches en termes d'indicateurs de progrès social présentent quelques limites :

-Un indicateur est un outil pour apprécier et si possible pour mesurer l'écart entre une situation présente et future. Un indicateur fait référence explicitement à une finalité, à un ou des objectifs à atteindre. La construction d'indicateurs et surtout l'utilisation et les débats sur les indicateurs oublient trop souvent cette réalité. Tout en sachant qu'il y a une interaction entre l'explicitation des objectifs et le choix des indicateurs, on peut observer que les discussions sur les indicateurs oublient trop souvent les finalités qui les ont fondées, que ces finalités peuvent évoluer en fonction des "parties prenantes". Le choix d'un indicateur est plus souvent guidé par la facilité de sa mesure que par la pertinence de la cible à atteindre.

-Les débats sur la manière de construire et d'utiliser des indicateurs sont sous tendus par une certaine vision de ce qu'est le développement économique. Pour ceux qui conçoivent que le développement économique est une expérience de démocratie, la priorité sera mise sur la participation des différents acteurs au processus de définition des finalités et des indicateurs correspondants. Dans cette vision du "développement durable", les processus de discussion, d'élaboration, et  de suivi des indicateurs sont plus importants que le choix final de tel ou tel indicateur.

-Les aspects coûts des solutions pour atteindre tel ou tel objectif, ou pour satisfaire tel ou tel indicateur sont complètement occultés. Pour arbitrer entre différents objectifs à atteindre, il y a bien sûr une hiérarchie des finalités à établir qui sera différente suivant les "parties prenantes", mais l'arbitrage pour hiérarchiser les finalités doit prendre en compte que les ressources sont limitées et intégrer les aspects coûts des différentes solutions. La valeur politique ou sociétale d'un objectif doit être confrontée à la valeur économique des solutions à mettre en oeuvre. On est renvoyé à la question fondamentale de la valeur économique qui intègre à la fois les aspects de valeur d’usage (utilité) et les aspects de valeur d’échange (prix).

 

Le débat sur les indicateurs de progrès sociétal ne devrait pas masquer l'absence de réflexions des économistes sur la valeur économique et la richesse économique. Les indicateurs sociaux ou sociétaux permettent de définir et de mesurer ou d’apprécier seulement la valeur d’usage (utilité sociale) d’une politique de développement mais pas sa valeur économique. Ils permettent d’apprécier ou de mesurer le progrès sociétal (prévu ou réalisé) d’une politique de développement donnée mais ils ne permettent pas d’apprécier et de mesurer la valeur économique de cette politique et donc la richesse économique créée par celle-ci.