Ouvrage | Pourquoi les sciences économiques nous conduisent dans le mur ?
Le titre complet du présent ouvrage est : Pourquoi les sciences économiques nous conduisent dans le mur des catastrophes écologiques et des explosions sociales ?
L’interrogation s’adresse aux sciences économiques au pluriel car il existe plusieurs courants de la pensée économique, il existe plusieurs théories économiques qui ont pour nom : théorie classique, théorie marxiste, théorie néo-classique, théorie institutionnaliste...
La théorie néo-classique est depuis le milieu du XXe siècle la théorie dominante au niveau mondial tant dans les instances économiques, politiques qu’universitaires.
Le titre de cet ouvrage voudrait attirer l’attention des économistes et des non- économistes sur l’état de la production des connaissances et sur les débats au sein des sciences économiques qui ne sont pas à la hauteur des enjeux envi- ronnementaux et socio-économiques que nos sociétés ont aujourd’hui, et encore plus dans les prochaines années, à affronter.
Pour construire un avenir possible, des innovations devront être mises en œuvre tant au niveau sociopolitique qu’au niveau de la pensée économique. De nombreuses voix se sont élevées depuis quelques années pour appeler de leurs vœux une autre manière de définir et de mesurer la richesse.
L’ambiguïté du langage économique est d’utiliser des mots de tous les jours pour en donner un sens plus spécifique. Il en est ainsi des concepts économiques de richesse et de valeur. La richesse dans son acceptation générale, qui a de nombreux aspects et qui peut toucher de nombreux domaines de la vie, y compris la vie culturelle et artistique, ne doit pas être confondue avec le concept de richesse économique qui peut prendre une signification différente suivant les courants de la pensée économique.
Il en est de même de la valeur économique qui est différente de la valeur dans son acceptation générale. On doit rappeler avec force que chaque théorie économique s’est créée à partir d’une manière particulière de définir ce qu’est la valeur économique. La valeur économique est le pilier fondateur de toute théorie économique.
À travers l’histoire de nos sociétés, on peut découvrir que les notions de richesse, dans son acceptation générale, ont évolué en fonction de l’évolution des systèmes de valeurs de ces sociétés, et plus encore en fonction de la «vision du monde» qui orientent et organisent les comportements des individus au sein de chaque société. L’histoire de la pensée économique permet de mettre en avant les relations qui se sont tissées entre une vision du monde qui prévalait dans une société, à un moment donné, et les notions de valeur et de richesse économiques qui ont structuré telle ou telle théorie économique.
L’histoire de la pensée économique permet d’avancer l’hypothèse que toute théorie économique est historiquement et culturellement déterminée. En définitive, il ne suffit pas de vouloir reconsidérer notre conception de la richesse économique, il nous faut plus fondamentalement reconsidérer la notion de valeur économique de la théorie économique actuellement dominante qui oriente, depuis plusieurs décennies, les analyses et les décisions qui sont prises par les acteurs économiques et politiques tant dans les pays industrialisés que dans la plupart des pays du Sud. Pour penser autrement la richesse, nous devons concevoir une alternative ou des alternatives à la valeur économique qui est au fondement de la théorie néo-classique et qui identifie valeur et prix.
Tant qu’on restera dans cette conception de la valeur économique, on continuera d’évaluer la richesse d’un pays à partir de la valeur monétaire de son PIB et on continuera d’identifier l’augmentation de richesse avec «plus d’avoirs».
L’ambition de cet ouvrage n’est pas de proposer une nouvelle théorie économique, mais de proposer des orientations de travail pour réfléchir aux principales caractéristiques que devraient avoir les notions de valeur et de richesse écono- miques pour répondre aux enjeux sociétaux et environnementaux de nos sociétés au début de ce XXI il a été conçu pour être lisible par des non-économistes.
Il s’adresse à tous ceux qui s’interrogent sur les moyens à mettre en œuvre, aujourd’hui, pour permettre aux générations futures :
- d’habiter une planète Terre qui soit encore écologiquement accueillante;
- de vivre au sein d’organisations sociales et politiques qui soient «force de vie», c’est-à-dire qui donnent envie de vivre ensemble tout en favorisant le plein développement des potentialités de chaque individu.
Edition L'Harmattan | Collection « La Librairie des Humanités », 2011 | 228 pages | ISBN : 9782296552630.
Cet ouvrage est disponible :
Ce qu'ils en pensent... et ce qu'ils en disent :
Pierre Gilles, lecture sur Revues.org,
également accessible sur http://lectures.revues.org/7052
Cet ouvrage s'inscrit dans la réflexion actuelle menée autour de la question des modèles de développement en opposition à la pensée économique dominante. La thèse soutenue dans celui-ci par son auteur, Jacques Perrin (directeur de recherche au C.N.R.S, ex-enseignant, ex-expert auprès de divers organismes internationaux) est assez simple. Si les sciences économiques nous conduisent aujourd'hui « dans le mur », c'est parce que la conception économique « standard » actuelle (symbolisée par la pensée libérale néoclassique mais qui ne se limite pas à celle-ci) confond valeur et prix, valeur monétaire de la production et richesse, croissance économique et développement. Cette thèse s'appuie sur de nombreuses références (dont nous reparlerons) et informations historiques diverses, et passe, en particulier, par un réexamen des différentes approches de la richesse qui ont prévalu au fil de l'histoire des idées et théories économiques (classiques, marxistes, néoclassiques).
Que faire alors, selon l'auteur, pour éviter la catastrophe qui s'annonce ? Tout d'abord, repenser les sciences économiques afin de refonder la différence entre croissance économique et développement. Cette refondation devant permettre de mettre en œuvre de nouveaux processus de création de surplus économique qui reposent sur d'importants investissements en matière de formation et santé mais aussi sur des impulsions données à la production locale de richesse, au besoin en développant des monnaies alternatives (l'auteur consacre ainsi plusieurs pages tout à fait intéressantes de cet ouvrage à la présentation d'expériences, plus ou moins récentes, menées dans ce domaine). Tout ceci devant aboutir à la création d'une véritable valeur sociale contribuant au « renforcement du processus de vie de la communauté au sens large » (pour reprendre une expression de l'institutionnaliste nord-américain Marc Tool, chère à l'auteur).
Il convient également, et plus fondamentalement, de faire en sorte que les hommes (occidentaux en premier lieu) cessent de se considérer comme maîtres et possesseurs de la nature, c’est-à-dire comme maîtres du monde. D'où la nécessité, d'une part de rompre avec cette vision dualiste et mécaniste du monde, de la société et de l'individu (héritée du siècle des lumières) qui fait de l'homme un être doué de raison, observateur objectif de la réalité (vision d'essence cartésienne qui donnerait aux hommes l'illusion d'exister indépendamment d'autrui) et, d'autre part, de s'ouvrir à d'autres visions du monde (originaires d'Orient en premier lieu, mais également d'Afrique) plus « organiques » qui reposent, non pas sur un rapport de domination de l'homme sur la nature mais sur un rapport d'intégration/coopération avec celle-ci et sur une autre relation au temps. Le programme est donc ambitieux et a des visées non seulement économiques mais également politiques et philosophiques (voire même « spiritualistes »).
Destiné à nourrir la réflexion (critique) sur la situation actuelle de nos sociétés et sur les conceptions économiques qui sous-tendent leur fonctionnement, l'ouvrage est susceptible d'intéresser un public assez large pouvant aller des étudiants de premier cycle universitaire (voire même des élèves de terminales économiques et sociales des lycées) à des responsables politiques et syndicaux, en passant par de « simples citoyens » soucieux de se faire une opinion sur certains problèmes contemporains. Il est en effet écrit dans une langue plutôt accessible (certaines parties rappellent, par leur côté synthétique et pédagogique, les ouvrages que rédigeait, il y a une trentaine d'années, Jean Marie Albertini, auteur d'ailleurs cité). Il n'est donc pas réservé à des spécialistes des questions traitées, même si un certain degré de culture préalable dans les domaines abordés peut faciliter sa lecture.
Pierre Gilles.